Les nouveaux droits de douane américains : quel impact pour la Turquie ?
Les nouveaux droits de douane américains : quel impact pour la Turquie ?

En août 2025, les États-Unis ont revu à la hausse les droits de douane appliqués à de nombreux pays, dans le cadre de leur politique de « tarifs réciproques ». Si plusieurs partenaires commerciaux majeurs, comme la Chine, l’Inde ou la Russie, se voient imposer des taux allant de 25 % à 41 %, la Turquie a été placée dans la tranche basse à 15%, après avoir bénéficié d’un taux initial de 10 % au printemps.
Cette décision, conjuguée à la hausse spécifique de 50% sur l’acier et l’aluminium, redessine le paysage des exportations turques vers les États-Unis. Comment interpréter ce nouveau cadre ? Quels sont les secteurs les plus exposés et quelles opportunités se dégagent pour les entreprises turques ?
Un contexte international tendu
Le Bureau du représentant américain au commerce (USTR) a annoncé début août la mise en place de grilles tarifaires différenciées selon les pays, applicables à la plupart des lignes douanières. Ces mesures s’ajoutent à d’autres régimes déjà en vigueur, comme les surtaxes de la Section 232 sur l’acier, l’aluminium ou les véhicules, et s’inscrivent dans un climat de protectionnisme renforcé.
À noter : ces nouvelles taxes font actuellement l’objet d’une bataille judiciaire aux États-Unis. Fin août, une cour d’appel fédérale a jugé illégales certaines surtaxes, tout en différant leur annulation dans l’attente d’un éventuel examen par la Cour suprême. Autrement dit, tant que le processus judiciaire n’est pas abouti, les tarifs s’appliquent pleinement.
La position relativement avantageuse de la Turquie
Avec un taux de 15%, la Turquie reste en position favorable comparée à de nombreux pays qui subissent des droits allant jusqu’à 41%. Le ministère turc du Commerce n’hésite pas à parler de « différenciation positive », soulignant que ce traitement préférentiel facilite toujours l’accès des produits turcs au marché américain.
En 2024, le commerce bilatéral entre la Turquie et les États-Unis a atteint 32,1 milliards de dollars, avec 16,7 milliards d’exportations turques vers le marché américain. Ce chiffre démontre l’importance du marché US, sans toutefois constituer une dépendance critique pour Ankara, l’Union européenne restant le premier débouché.
Evolution des exportations turques vers les Etats-Unis

Source : Institut national de la statistique turque (TÜIK)
Les secteurs les plus exposés
- Métaux (acier et aluminium) : très fortement touchés par un droit de 50%, ce qui fragilise la compétitivité de la sidérurgie turque. Les industriels devront se tourner vers des produits à plus forte valeur ajoutée et envisager des stratégies d’assemblage ou de finition sur le sol américain.
- Textile, habillement et tapis : soumis à la hausse de 15%, ces produits phares des exportations turques risquent une compression de marge. Les marques devront miser sur la différenciation, la qualité et des délais de livraison optimisés.
- Machines et pièces automobiles : également touchées par les 15%, mais bénéficiant encore d’une image de fiabilité. Ici, le renforcement des services après-vente et la disponibilité locale peuvent compenser l’effet prix.
- Agroalimentaire : impact hétérogène. Certaines opportunités subsistent, comme en 2025 avec l’export d’œufs turcs, stimulée par une pénurie sur le marché américain.
L’e-commerce dans la tourmente
Le 29 août 2025, un changement majeur est venu bouleverser le commerce en ligne : la suppression du seuil de minimis de 800 dollars pour les envois vers les États-Unis. Désormais, même les petits colis sont soumis à déclaration et taxation.
Pour les entreprises turques qui misent sur le direct-to-consumer (DTC), cela signifie :
- intégrer les droits et taxes directement au moment du paiement,
- revoir les stratégies de prix et de livraison,
- envisager des solutions logistiques locales (entrepôts ou filiales aux États-Unis).
Comment les exportateurs turcs peuvent transformer la contrainte en opportunité
Avec un taux douanier fixé à 15%, la Turquie conserve un avantage compétitif par rapport à de nombreux pays soumis à des droits beaucoup plus élevés, ce qui en fait une alternative crédible à la Chine dans les chaînes d’approvisionnement pour les entreprises américaines. Toutefois, ce contexte s’accompagne d’incertitudes liées aux recours juridiques en cours, incitant les exportateurs à intégrer des clauses d’ajustement dans leurs contrats et à anticiper différents scénarios. Pour rester compétitives, les entreprises turques doivent adapter leurs politiques de prix au nouveau cadre douanier, sécuriser leurs chaînes logistiques – éventuellement en envisageant des solutions de proximité aux États-Unis – et renforcer leur conformité afin d’éviter des sanctions lourdes en cas de contournement. La consolidation des réseaux de distributeurs et de partenaires locaux, combinée à une stratégie de marque axée sur la valeur ajoutée, constitue un levier essentiel pour maintenir leur position. Enfin, la diversification des débouchés, notamment vers l’Europe, apparaît comme un complément stratégique indispensable pour équilibrer les risques et tirer parti de ce nouveau contexte.
La solution : s’adapter plutôt que céder à la crise
La hausse des droits de douane américains sur les produits turcs constitue un défi, mais aussi une opportunité. Si certains secteurs comme la sidérurgie sont durement touchés, la Turquie conserve un avantage relatif par rapport à de nombreux pays. Les entreprises capables de s’adapter rapidement – par la montée en gamme, la transparence tarifaire et le renforcement de leur présence locale – peuvent transformer cette contrainte en levier de croissance.