Les affaires étrangères turques davantage impliquées dans l'industrie de défense - 28.04.2024



29-04-2024

Les affaires étrangères turques davantage impliquées dans l'industrie de défense - 28.04.2024 


Le décret présidentiel n°1 portant sur l’organisation de la Présidence de la République de Turquie est en évolution constante puisqu’il a été modifié pas moins de 57 fois depuis sa publication, le 10 juillet 2018, au Journal officiel de la République de Turquie. La dernière modification, apportée par le décret présidentiel n°158 du 6 avril 2024, confère au ministère des Affaires étrangères de nouvelles responsabilités en matière d’industrie de défense.


Le service du ministère turc des Affaires étrangères visé par ces modifications est la direction générale de la Sécurité internationale (Uluslararası Güvenlik Genel Müdürlüğü), qui est le nouveau nom de la direction générale des Affaires de sécurité internationale (Uluslararası Güvenlik İşleri Genel Müdürlüğü). Elle se voit attribuer deux nouvelles missions : la coordination intra-ministérielle des relations avec les pays tiers pour les questions liées à la défense et à l'industrie de défense (chapitre 131, paragraphe c) ; la coordination, avec les institutions et organisations concernées, des questions qui relèvent des relations industrielles de défense avec les pays tiers (chapitre 131, paragraphe ç).


Le positionnement du ministère des Affaires étrangères par rapport à la Présidence de l’industrie de défense (Savunma Sanayii Başkanlığı – SSB) ne semble pas clarifié pour autant. En effet, les textes et les schémas d’organisation de la Présidence de la République de Turquie, dont dépendent les deux structures, n’indiquent aucun lien hiérarchique ou de subordination entre elles : le ministère des Affaires étrangères fait partie du cabinet présidentiel (comprenant le vice-Président de la République et les ministres), tandis que la Présidence de l’industrie de défense figure parmi les organisations et les institutions directement rattachées à la Présidence de la République. Comme le confirme son plan stratégique 2024-2028, le ministère des Affaires étrangères « coopère » (birlikte çalış), donc sans dimension contraignante, avec la SSB par l’intermédiaire de son administration centrale et de ses ambassades, de ses représentations permanentes et de ses consulats généraux.


Le ministère turc des Affaires étrangères a d’autres prérogatives dans le domaine de l’industrie de défense. Il doit encourager toute initiative visant à gagner des marchés à l’étranger, et plus particulièrement en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Il est fort probable que les lettres de mission des ambassadeurs turcs en poste dans les pays cibles prévoient des directives en ce sens. Pour autant, le ministre ne fait pas partie du Comité exécutif de l’industrie de défense (Savunma Sanayii İcra Komitesi) qui, sous la présidence du Président de la République, réunit le vice-Président de la République, le ministre du Budget et de l’Économie, le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Défense nationale, le ministre de l’Industrie et de la Technologie, le chef d’état-major général des Armées et le Président de l’Industrie de défense pour décider des grandes orientations et des projets prioritaires.


La SSB conserve ses attributions en matière de relations internationales puisque ses missions n’ont pas été modifiées par le décret présidentiel n°158. Exercées par le bureau de la coopération internationale (Uluslararası İşbirliği Daire Başkanlığı), directement rattaché au Président de l’industrie de défense, elles concernent les apports extérieurs de technologies, les financements et les crédits internationaux, les sociétés à capitaux étrangers, les questions d’offsets et les exportations de produits industriels de défense turcs. De plus, le décret présidentiel n°100 du 1er juin 2022 renforce la présence de la SSB à l’étranger par la création de 9 postes de conseiller industriel de défense (Savunma Sanayii Müşaviri) au Qatar, au Pakistan, au Brésil, en Indonésie, en Azerbaïdjan, en Malaisie, à Oman, au Bangladesh et au Royaume-Uni, pays traditionnellement proches ou à fort potentiel de coopération.


Article rédigé par Patrice Moyeuvre, Officier Général en 2s de l'Armée de l'air et de l'espace française, chercheur à l'IRIS et Directeur des projets de défense et de sécurité au sein d'Advantis.