Turquie : les turbulences de la politique doivent-elles empoisonner le business ?



25-11-2020


INTERVIEW DU DIRECTEUR GENERAL D'ADVANTIS, M. ILKER ONUR, DANS LE DERNIER NUMERO DE LETTRE INTERNATIONALE DE CLASSE EXPORT 

Les petites phrases fusent, les provocations se succèdent, Emmanuel Macron s’est mis en 1ère ligne sur le sujet Erdogan. Faut-il vouer aux gémonies la Turquie alors qu’elle se classe au 6ème rang des partenaires économiques de l’UE devant le Japon et la Norvège avec 138 milliards € d’échanges bilatéraux enregistrés en 2019 ?
L’UE est quant à elle, le premier partenaire économique de la Turquie avec près de la moitié des exportations turques à destination des pays de l’UE. La France détient également une position importante puisqu’elle est son 7ème client et son 7ème fournisseur avec 14,6 milliards € d’échanges bilatéraux réalisés en 2019.
En revanche, la récession économique prévue chez certains de ses principaux clients européens pèsera sur les exportations de la Turquie qui pourraient diminuer de 20% cette année.
Même si la dernière provocation en date n’est pas banale, la vente d’avions Rafales à la Grèce, il ne faudrait pas dans notre intérêt rentrer dans une escalade inquiétante pour le business de nos entreprises.
Ilker Onur, le représentant du Medef International en Turquie et patron de l’entreprise Advantis appelle à la raison. « Nous sommes en train de faire passer les Français pour d’odieux personnages aux yeux des Turcs, les médias passent en boucle les provocations et la tension monte alors que les choses ne sont pas aussi nettes qu’on veut bien le dire d’un côté comme de l’autre, pour ce qui est de cette affaire de gaz et d’eaux territoriales. »

« La Turquie est en train de se redresser économiquement, la dévaluation de 25% de la monnaie a largement contribué à rendre l’économie turque plus compétitive, et la croissance ne devrait pas être négative cette année contrairement à toutes les économies européennes. La Turquie a découvert du gaz en mer noire, dans une zone non contestable, ce qui va améliorer très nettement sa balance commerciale dont le déficit est composé a 70% de l’achat d’énergie. Ce qui va permettre à la Turquie de retrouver des marges de manoeuvre monétaire. »
On assiste aussi en parallèle à une pression forte de la Turquie en Afrique sur des marchés où ils ont déjà connu des succès. L’offensive turque est forte et le pari de Erdogan de s’allier les populations musulmanes n’est pas anodin.

Pour Ilker Onur « les entreprises françaises ont beaucoup de choses à faire en Turquie dans le secteur santé comme dans les secteurs technologiques, c’est un gros marché pour nous, et n’oublions pas que les Turcs importent à plus 60% des produits européens. »
Face aux nouveaux enjeux stratégiques qui découlent du bouleversement des comportements liés à la pandémie, la Turquie a accéléré sa marche vers la digitalisation de toute son industrie et les opportunités sectorielles restent nombreuses pour les entreprises françaises à forte valeur ajoutée. Le pays souhaite en effet se positionner comme hub industriel et de réexportation pour l’Europe, fournisseur alternatif de la Chine et ainsi prendre des positions dans les chaines de valeur mondiales. La Turquie a ainsi récemment inauguré l’un des plus grands centres technologiques et de digitalisation d’Europe (coût de l’investissement : 30 millions €) dont l’objectif sera d’aider les entreprises à se préparer à la 4ème révolution industrielle et de superviser la transformation numérique du pays. Enfin, les investissements étrangers et partenariats stratégiques dans ce domaine ne manquent pas à l’image du français SERCEL qui a exporté son premier système de données sismiques nouvelle génération au turc TPIC, ou encore de l’allemand VMRAY, société de cybersécurité qui a scellé un partenariat commercial avec le turc DEEPCASE.

La société de Ilker Onur, Advantis  a contribué à  beaucoup des réussites françaises en Turquie, sa vision du marché est donc pertinente. Soyons modérés et concentrons-nous sur nos marchés à l’export … et la Turquie en est un, et non des moindres.